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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/183

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L’UNION TOLSTOÏ

de l’injuste outrage dont son cœur d’ami s’était révolté. Si c’était Julie et ses rapports avec Rumesnil que Riouffol voulait désigner dans ces termes atroces, il le dirait, il faudrait bien qu’il le dît, et Jean saurait enfin ce que tout le monde autour de lui semblait connaître, cette vérité quelle qu’elle fût, qu’il pressentait, qu’il redoutait, qu’il n’arrivait jamais à tenir. Il avait saisi de nouveau l’ouvrier relieur par le bras, d’une étreinte si vigoureuse que celui-ci ne put plus se dégager, et il reprit : « Tu vas t’expliquer. Je n’ai pas la patience de Crémieu-Dax, moi, et nous ne sommes pas à la Tolstoï, ici… » Et, poussant l’autre avec une force décuplée par la colère dans l’ombre de la rue Cassini, à l’angle de laquelle avait lieu leur altercation : « Je ne te lâcherai pas avant que tu m’aies dit si c’est de moi ou de quelqu’un des miens que tu te permets de parler ainsi. J’en ai assez de tes insolences et je vais te le servir, moi aussi, ton paquet, et une bonne leçon avec. »

— « Tu es fou ! » dit Riouffol, en empoignant son cousin, à son tour, de sa main restée libre. « Je n’ai aucune explication à te donner. Si tu en désires, tu n’as qu’à aller en demander à M. de Montboron… »

— « À M. de Montboron ? » répéta Jean, dont l’étonnement fut tel qu’il laissa du coup aller Riouffol. « M. de Montboron ? Qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ?… »

— « Ah ! tu ne connais pas M. de Montbo-