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L’ÉTAPE

ron ?  » reprit le relieur. « C’est pourtant quelqu’un qui te touche de très près. Et Mme Angèle d’Azay, tu ne la connais pas non plus ? Elle est fort agréable à connaître, et fort utile : demande plutôt à M. de Montboron… » Puis, quittant soudain l’accent gouailleur, sa voix redevint âpre et sourde pour continuer : « M. de Montboron, c’est ton frère Antoine. C’est sous ce nom que ce joli monsieur se prélasse aux courses, dans les caboulots de nuit, dans les tripots, et qu’il se fait entretenir par la fille d’Azay, sa maîtresse, et la tienne, et la mienne, quand nous aurons cinquante louis à lui donner. M. de Montboron, lui, ne les donne pas, il les touche… Prends des renseignements, mon garçon. Fais comme moi. Va aux courses. J’avais l’églantine rouge à la boutonnière, le jour où j’ai déniché le personnage, et un bon gourdin pour cogner sur les bandes aux Jésuites. Ils n’ont pas crié, les cafards, mais je n’ai tout de même pas perdu ma journée. J’ai vu arriver notre Antoine et sa belle amie, dans un locatis de première classe, et ça claquait, et ça fringuait ! Je me suis payé la fête de passer devant lui et de le saluer. Il n’a pas tiqué, l’animal… J’avais un petit ami, là, qui gagne des sous à crier les résultats, pauvre gosse ! Il s’est chargé de savoir le nom de la dame, il m’a rapporté le nom du monsieur, par la même occasion. J’ai suivi la piste, depuis… » Et, gouaillant de nouveau : « Ça me flattait, tu comprendras cela, d’avoir un cousin dans la haute… »

Puis, sérieux de nouveau et cruel : « Je voyais