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VII
les frères et la sœur

Deux minutes après s’être prononcé à lui-même cette phrase d’une signification atroce, car elle supposait le parti pris d’arracher l’argent de sa dette à quelqu’un qui avait un sentiment pour sa sœur, et en se servant de cette sœur pour cette extorsion, Antoine était devant la porte de la chambre de Julie. Il put constater qu’un rai de lumière filtrait par l’interstice du battant et du plancher. Il ouvrit doucement et sans frapper. La jeune fille jeta un léger cri de saisissement. Quoiqu’il fût près de deux heures du matin, elle n’était pas encore couchée ; ou plutôt, les couvertures défaites de son lit l’attestaient, elle s’était relevée et avait rallumé sa lampe pour écrire une lettre d’une certaine importance, car des morceaux de papier déchirés fiévreusement jonchaient le foyer de la cheminée. Deux feuilles de quatre pages étaient devant elle, couvertes de sa haute écriture hâtive et irrégulière, au recto et au verso, et sa plume était en train de courir sur la neuvième page. À la vue de son frère, elle rangea vivement ces feuillets dans son buvard, qu’elle