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UN CŒUR DE JEUNE FILLE

engagé. Déjà le doute, comme on voit, avait remplacé la révolte, et il continuait : « Il a cependant bien fallu qu’il les trouvât quelque part, ces cinq mille francs. Il ne les avait pas. S il les avait eus, il n’aurait pas parlé à Julie, comme il lui a parlé. Était-elle assez troublée ! De quels mots elle s’est servie : Il en est au crime, je te jure !… Si quelqu’un peut me mettre sur la voie de la vérité, c’est elle… »

Cette pensée enveloppait des hypothèses trop cruelles, elle se raccordait trop étroitement aussi à ses préoccupations de ces dernières semaines pour que l’infortuné pût la concevoir et ne pas rentrer au plus vite auprès de sa sœur. Il n’avait pas quitté M. Berthier depuis un quart d’heure, qu’il se retrouvait sur le palier du quatrième étage de la rue Claude-Bernard où vivaient les Monneron. Il n’eut pas le temps de sonner. Julie avait épié sa venue. Elle l’attendait, l’ayant vu, par la fenêtre, qui débouchait de la rue Vauquelin. Il était remonté tout droit du boulevard Saint-Germain par les raidillons qui sillonnent les deux versants de la montagne Sainte-Geneviève : la rue d’Arras, la rue du Cardinal-Lemoine, la rue Thouin, la rue de la Vieille-Estrapade, la rue Amyot, les endroits mêmes qui avaient servi de cadre aux enfantins débuts du dangereux roman de sa sœur avec Rumesnil. Il avait marché si vite que le souffle lui manqua pour répondre à la question de la jeune fille. Elle l’avait attiré aussitôt dans sa chambre, et là,