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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/352

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L’ÉTAPE

Il s’en va encore, mais pour oser plus. Aux questions posées nettement devant la conscience, celle-ci consent enfin à répondre pour les discuter. Ce n’est pas sans une raison secrète que les théologiens ont donné au prince des ténèbres un nom tiré d’un verbe grec dans lequel il entre une idée de plaidoirie. Avoir engagé avec le diabolique tentateur cette controverse coupable où ce qui faisait d’abord horreur fait problème, c’est être plus d’à moitié tombé.

— « Qu’elle aurait mieux fait de ne pas me mettre au monde, si c’était pour en arriver où j’en suis !… » se disait Julie, proférant contre la vie une accusation dans laquelle était enveloppée une excuse pour l’œuvre de mort qu’elle ne rejetait déjà plus avec la même violence. Elle regardait ces papiers, cette bibliothèque, l’odieux décor de cette cellule, étroite comme avait été sa destinée, jusqu’au moment où elle y avait mis des émotions défendues qu’elle ne pouvait pas regretter. C’était encore ce qu’elle avait eu de meilleur. L’aversion qu’elle venait d’éprouver pour Mme Monneron s’étendait à toutes les autres personnes qui respiraient à quelques pas d’elle, derrière ces murs, et qui avaient été mêlées à son triste sort. La perspective de s’asseoir à table, une fois de plus, en face de cette mère inique et inintelligente, de ce père aveuglé, d’un frère abominable, et d’un autre, inhumain de sévérité, — elle jugeait Jean de la sorte, — lui était si pé-