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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/383

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ET NE NOS INDUCAS

auprès d’elle, avec le grelot de leur collier, les deux cobs rouans que le cocher promenait toujours, la rendit au sentiment de la situation. Elle se mit à marcher dans la rue machinalement, en s’arrêtant aux devantures des boutiques pour regarder du côté de l’équipage, jusqu’à ce qu’elle vît, à un moment, Rumesnil reparaître devant la porte de la maison, remonter sur son siège, assurer ses guides, et les deux chevaux repartir au grand trot de leurs courtes jambes plus sombres que leur robe. Adhémar la salua, en passant, d’un geste de son fouet presque imperceptible, sans arrêter ses bêtes. Elle regarda la coquette voiture tourner l’angle de la rue Gay-Lussac, la silhouette du jeune homme disparaître. Puis, aussi impulsivement qu’elle s’était échappée de la salle à manger, le matin, elle s’élança d’un pas rapide, presque en courant, vers sa maison. Elle passa devant la loge du concierge, sans remarquer, cette fois, l’expression gouailleuse des Maradan, qui venaient de la voir causer sur le trottoir avec le jeune seigneur dont ils avaient trop souvent commenté les visites. Elle gravit l’escalier deux marches par deux marches. Elle sonna d’une main si frémissante, si appuyée, que son frère, du fond de l’appartement, fut averti de son retour par ce seul appel du timbre :

— « J’avais deviné que c’était toi… » commença-t-il, quand elle fut entrée dans sa chambre. Et, tout de suite : « Rumesnil sort d’ici. Nous ne nous étions pas trompés. C’est à lui qu’Antoine avait emprunté les cinq mille francs… Ils sont