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UN AMOUREUX

qui, de son côté, l’avait reconnue. Il s’était levé de son banc, avec la gêne, toujours si touchante pour une femme qui aime, de quelqu’un qui attend depuis des heures et qui veut avoir l’air de s’être trouvé là par hasard. Quoique les préoccupations de M. Ferrand fussent bien grandes et qu’il considérât comme très important l’entretien dont cette présence de son ancien élève annonçait l’imminence, il ne put, lui non plus, s’empêcher d’être attendri et amusé par cette gaucherie de l’amoureux. Dans l’atmosphère de tension intellectuelle où il vivait, et où il faisait, par contagion, vivre sa fille, c’était une bouffée de jeunesse, un souffle de nature et de spontanéité que cet enfantillage de Jean, surpris dans son aguet, confus et s’excusant d’être là par des phrases maladroites. Ses explications balbutiées, en abordant M. et Mlle Ferrand, trahissaient un si naïf embarras que le père en sourit, et ce fut avec la plus indulgente moquerie qu’il y coupa court :

— « Vous n’alliez nulle part ? » lui dit-il. « Hé bien ! tant mieux ! Vous nous accompagnez jusqu’à la maison. »