Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II
L’obstacle

Les trois promeneurs commencèrent donc à marcher ensemble dans la direction du Palais, le père séparant les deux jeunes gens. La première impression d’amusement et d’attendrissement avait cessé tout de suite, et ils n’échangeaient les uns avec les autres que des phrases indifférentes qui tombaient, presque sans réponse, dans un silence chargé de trop de pensées. Tous les trois étaient en effet dominés par des idées qui leur tenaient de trop près au cœur pour qu’ils pussent les dire, et elles leur enlevaient la force de soutenir une autre conversation. M. Ferrand avait aussitôt compris, devant le visage sombre et fermé de Jean Monneron, que sa venue au-devant d’eux ne signifiait pas le facile acquiescement dont s’était flattée Brigitte. Le tendre optimisme de celle-ci n’avait pas tenu non plus contre cette physionomie tourmentée, ni surtout contre le regard d’angoisse dont le jeune homme l’enveloppait de temps à autre. C’est qu’à la voir marcher ainsi, près de lui, avec sa taille svelte, avec la