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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/521

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BRIGITTE FERRAND

— « Va jusqu’au bout, » dit Crémieu-Dax avec une violence extraordinaire, « et ose prétendre que tu dois être catholique scientifiquement. »

— «  Scientifiquement, oui ! » répondit Jean. « Entendons-nous : la foi n’est pas une géométrie ni une chimie. Elle ne se démontre pas Mais non seulement la Science ne s’y oppose pas, et au contraire elle indique cette solution comme la plus raisonnable. Et c’est aussi celle où j’ai résolu de me ranger. Oui, » insista-t-il avec plus de fermeté encore, « je me suis décidé à me faire catholique, comme tous les miens l’ont été pendant des siècles et des siècles. Je veux me replonger dans la plus profonde France. Je ne peux pas vivre sans mes morts… J’ai retrouvé leur foi et je ne la laisserai plus périr… »

— « Leur foi ? » s’écria Crémieu-Dax. « Te faire catholique ? Toi ? Ne me dis pas cela. Voyons, ce n’est pas possible. On ne se fait pas catholique avec ton cerveau. »

— « C’est avec lui pourtant que je le suis devenu, » dit Jean Monneron, et il ajouta : « et que je le resterai. »

— « Et tu as appris cette résolution à ton père ? » demanda Crémieu-Dax après un silence.

— « Je lui en ai dit assez pour qu’il la devine, » répondit Jean.

— « S’il en est ainsi, » reprit le fondateur de l’Union Tolstoï en se levant, « je n’ai plus rien à faire chez toi. Tu es de l’autre côté de la barricade. Nous ne nous connaissons plus… »