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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/73

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LES MONNERON

gieuse, et il n’avait pas protesté quand son ancien maître lui en avait indiqué la véritable cause dans cette famille même : ce conflit entre son atavisme catholique et l’incrédulité d’un père qu’une hâtive culture avait trop brusquement détaché de son milieu pour qu’il ne raisonnât pas avec une révolte irritée à l’inverse de ses traditions. Il avait avoué avec la même lucidité les troubles de sa pensée politique, qui tenaient encore à cette famille. Ne dérivaient-ils pas d’un heurt entre son expérience, si courte fût-elle, et les utopies sociales que lui avaient inoculées ce père ? Il avait confessé des soucis plus intimes encore, et qui procédaient, pareillement, des conditions dangereuses où ce père avait constitué le foyer commun. Il avait raconté leur réciproque impuissance à se communiquer le fond de leur âme, dans une existence menée côte à côte, que faussait l’irréalisme du professeur chimérique, volontairement aveugle sur les vérités trop pénibles. Jean avait encore déclaré ses inquiétudes sur son frère aîné, qu’il voyait soumis, avec une sensibilité brutale, plébéienne et avide, aux tentations du plaisir et du luxe, si redoutables aux demi-bourgeois, lorsqu’ils n’ont ni un milieu de coutumes où se retremper, ni des principes solides où s’appuyer. Il était allé jusqu’à parler de sa sœur, avec une réticence immédiate. C’était de ce côté qu’il voyait venir cette menace pour le bonheur de ses parents, à laquelle il avait fait une allusion aussitôt retirée. En revanche, il