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Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/15

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UN DIVORCE

I
l’impasse

Quand Mme Albert Darras eut tourné la rue de Vaugirard pour entrer dans la rue Servandoni, l’aspect sévère de cet étroit couloir de vieilles maisons, si voisin pourtant de la rue du Luxembourg où elle habitait, augmenta encore son appréhension. Ses courses l’avaient fait passer là des centaines de fois, sans qu’elle observât jamais le triste aspect de ce coin de Paris, qui, tout d’un coup, et dans la disposition d’esprit où elle était, la saisit de surprise. Elle s’arrêta une minute pour regarder le délabrement des façades tassées, affaissées sur elles-mêmes, la solitude du mince trottoir sans promeneurs, presque sans boutiques, le haut mur gris de Saint-Sulpice, au fond, et, sur ce décor de silence, la pesée d’un ciel froid de mars, tendu et noir. Au moment d’oser une démarche très grave, qui risquait de bouleverser son existence intime, cette femme tourmentée sentit de nouveau faiblir une résolution, bien réfléchie pourtant et nourrie pendant des jours, à travers tant de luttes secrètes ! Un dernier combat d’idées crispa son