Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
UN DIVORCE

cessa du coup lorsqu’il se trouva devant la maison du premier mari. Il ne la connaissait que trop bien. Depuis qu’il avait épousé la femme divorcée d’Edgar de Chambault, jamais Darras ne s’était désintéressé entièrement de cet homme. Dans les premières années, la nécessité d’envoyer Lucien chez lui à de certains jours avait maintenu un contact forcé. Puis, la négligence de Chambault avait laissé tomber même ces dernières relations avec son ancienne vie. On se rappelle — c’avait été une des justifications de Mme Darras auprès du Père Euvrard — que l’initiative du divorce était venue de lui et qu’il s’était remarié de son côté bien avant elle. Sa seconde femme était morte, et il s’était, depuis ce veuvage, de plus en plus dégradé. Ses désordres par trop avérés avaient été la cause que la mère s’était considérée comme en droit d’interdire les visites du fils. L’enfant avait à plusieurs reprises trouvé son père à demi ivre et en très mauvaise compagnie. Chambault n’avait pas réclamé. Depuis lors, les Darras n’avaient eu de lui que des nouvelles détournées. Tantôt, c’était un mot dit en passant par un de ses cousins, le vieux général de Jardes, qui avait pris parti ouvertement pour Gabrielle et qui continuait à la voir, même remariée. Tantôt, une simple mention rencontrée dans un journal, à propos de quelque déplacement à Nice, à Aix-les-Bains. Chambault avait hérité d’un oncle une seconde fortune, après avoir à peu près complètement gâché la première, et, à près de soixante ans, il ne cessait pas de tenir sa place parmi les figurants de Paris qui s’amuse. Lucien lui faisait une visite au Jour de l’an. Il était reçu ou n’était pas reçu, suivant l’occurrence. Mais, qu’il eût vu