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L’IMPASSE

des fous, des suicides est proportionnellement décuple chez les divorcés. Donc, pour une personne qui, comme vous et quelques autres, apporte ou préserve dans le divorce toutes les délicatesses de son esprit et de son cœur, la majorité ou les avait déjà gâtées ou les y a perdues. Réglementer la société en vue d’une minorité de dégénérés probables, c’est chercher sa norme dans ce qui doit rester son déchet. Vous appelez cela un progrès[1]. La Science l’appelle une régression… Nous venons de nous mettre, remarquez-le, au point de vue de l’observation pure. J’ai voulu ainsi vous faire toucher au doigt l’identité entre la loi de l’Église et la loi de la réalité, entre l’enseignement de l’expérience et celui de la Révélation. Dans son effort pour durer, la nature sociale aboutit précisément à la règle dont la religion a fait un dogme. À la lumière de ces idées, comprenez la gravité de la faute que vous avez commise en profitant du criminel article qu’ont introduit dans notre Code les pires ennemis de l’ordre social, les destructeurs de la famille. Vous vous êtes associée à cette œuvre d’ébranlement, dans la mesure où vous l’avez pu. Vous avez sacrifié la société à votre bonheur individuel. Vous

  1. Deux illustres exemples, celui de Molière et de Stendhal, autoriseraient l’auteur à mettre en note : c’est un prêtre qui parle. Il préfère indiquer aux lecteurs curieux de ces problèmes une brochure publiée l’an dernier par M. le professeur Enrico Morselli : Per la polemica sul divorzio (Gênes, Fratelli Çarlioi). Ils y verront la thèse du Père Euvrard soutenue, avec chiffres à l’appui, par un positiviste déclaré. Cette brochure précise d’une manière remarquable l’attitude prise par les savants italiens en regard de la loi du divorce, considérée par eux, au nom de l’expérience incontestable de la criminalité, comme dangereuse et rétrograde.