Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/13

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l’empereur d’Allemagne n’ont pas plus que le roi de France ; je ne parle pas même des petits ducs de Bourgogne, de Bretagne et autres. Reste donc le sultan infidèle, sectateur de Mahomet. Nobles dames, le hasard de ma vie m’a conduit jadis au delà du grand désert africain, dans le pays des parfums et des génies : j’ai vu Balsora la splendide, Bagdad la lumière de l’Orient, et Golconde où les cailloux sont des diamants. Je vous le dis parce que cela est vrai : le domaine du comte Otto est plus opulent que Balsora, plus éclatant que Bagdad, plus prestigieux que Golconde ! Le comte Otto fait de l’or : les merveilles de la terre et de la mer sont à lui !

Des pages aux couleurs du Dayron entrèrent, portant sur des plateaux de cristal le vin frais, les mostardes milanaises et les beaux fruits miellés des campagnes provençales. En même temps les violes et les harpes se firent entendre dans la galerie voisine.

— Et ne croyez pas, reprit messire Olivier, baron d’Harmoy, que le comte Otto soit las ou rassasié des délices de sa vie. Le comte Otto fait de l’or. L’or est un philtre. On vit d’or. Le comte Otto a, depuis bien longtemps peut-être, l’âge où la barbe grisonne, où le cœur glacé ne bat plus ; la barbe du comte Otto ondule en anneaux soyeux plus noirs que le jais ; le cœur du comte Otto est toujours jeune, car vous avez vu aujourd’hui même la devise éblouissante de sa bannière ! À la plus belle !.

Berthe de Maurever était immobile comme une statue. Les sourcils de Jeannine se fronçaient. Messire Olivier prit sur un plateau qui passait une coupe large et profonde ; il la tendit au page et le page l’emplit jusqu’aux bords. Ses yeux eurent un rayonnement pendant qu’il levait la coupe pleine.

— Moi qui ne fais point d’or, dit-il, et qui ne suis qu’un pauvre gentilhomme, j’emprunte aujourd’hui la devise du comte Otto Béringhem et je bois à la plus belle !

Il s’inclina à la ronde. Quand il porta la coupe à ses lèvres ses yeux étaient revenus à leur point de départ : ils se fixaient sur Berthe et Jeannine.