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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/14

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— Chevaliers et nobles dames, dit le sire de Dayron, la salle de danse vous attend.

Les avis des historiens sont partagés sur la question de savoir comment dansaient les chevaliers. Le menuet, déjà connu en Italie, n’avait cours que parmi les baladins. La danse du glaive des anciens Francs était depuis bien longtemps tombée en désuétude. Marcou et Jabotte dansaient la gique, mais ils n’étaient pas du grand monde. On pense que le bal se composait d’une sorte de bourrée analogue à celle des paysans de l’Auvergne. Cela se dansait en quadrille. Mais les croisades avaient transplanté en Europe la plupart des coutumes du Levant. Les Orientaux, nonchalants et pleins d’esprit, aiment bien mieux voir danser que danser. Pour eux, la danse est un spectacle. Au xve siècle, on peut affirmer qu’en Europe la danse était surtout un spectacle.

Le vrai bal, c’était le tournoi.

De nos jours, on aime beaucoup mieux danser que de voir danser. De nos jours, ce qui nous amuserait par-dessus tout, ce serait un spectacle où chaque spectateur aurait son petit bout de rôle. Notre siècle a la rage d’être acteur. Nos gentilshommes conduisent eux-même leurs voitures et se cassent le cou, de leur propre personne, aux courses. Il faut bien faire quelque chose pour vivre.

L’illustre compagnie rassemblée à l’hôtel du Dayron passa du salon dans la galerie où douze danseurs napolitains attendaient le signal du maître. La galerie donnait sur cette terrasse qui dominait le pont de Couesnon et les deux rives bretonne et normande. On recommença d’entendre le brouhaha de la fête. C’étaient des éclats redoublés de gaîté. Les gars et les filles dansaient en bas autrement que par procuration. La plaine regorgeait de foule, et de tous côtés des lumières brillaient dans la nuit.

La galerie du Dayron était belle et vaste. On respira, au sortir du salon fermé ; chacun se sentit un poids de moins sur la poitrine. Était-ce le grand air, ou bien l’absence de messire Olivier ?