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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/133

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l’extrémité orientale du champ-clos, après avoir salué une dernière fois l’estrade royale.

Jeannine ne bougea pas. Ses joues, tout à l’heure si roses, devinrent blanches comme le lin de sa gorgerette. Berthe rougit, au contraire, jusqu’aux nattes de ses merveilleux cheveux blonds. Chacune des deux jeunes filles interprétait à sa manière l’action d’Aubry. Jeannine le remerciait dans son âme ; Berthe, heureuse et laissant voir naïvement la profondeur de sa joie, essuya ses yeux pleins de larmes.

Aubry ne voulait point de partage ; Aubry lui rendait l’hommage tout entier ; Aubry, à la face des deux souverains, de tous les chevaliers et de la foule immense, se déclarait hautement son chevalier.

Elle comprenait cela ainsi, la pauvre Berthe. Sa longue souffrance prenait fin à cette allégresse inespérée ; elle voyait devant elle, ouvert et radieux, le paradis des heureuses tendresses.

Aubry redescendit les gradins, sauta en selle et se retrouva au milieu des chevaliers bretons qui s’ébranlaient pour entamer la seconde partie du tournoi. Ils étaient quinze qui marchaient au-devant des autres, le duc en tête, afin de toucher les écus suspendus aux poteaux de la tente royale. Aubry resta en ligne avec ces quinze lances d’élite, bien qu’il n’eût point été choisi. Le duc lui fit signe de s’éloigner ; Aubry n’obéit pas.

Bien plus, il devança le groupe des chevaliers poursuivants et alla donner de sa lance contre l’écu de sable à la croix arrachée d’argent. Mme Reine ne put retenir un cri en voyant cela. Son fils venait de provoquerau combat le plus terrible de tous les champions présents, le comte Otto Béringhem.

L’Homme de Fer !

L’écu de Béringhem rendit un son retentissant et prolongé. Berthe perdit ses belles couleurs ; Jeannine essuya son front où perlait la sueur froide.

Le duc de Bretagne fit comme Aubry, sa lance frappa l’écu de l’Homme de Fer. Les autres chevaliers choisirent des adversaires à leur gré. De Plœuc eut le sire de Laval. Goulaine eut Estouteville qui, soit dit entre parenthèses, était le seigneur