Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/136

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Auprès de la tente, il n’y avait plus que l’écuyer Jeannin.

On put voir Otto Béringhem fondre à pleine course sur ce pauvre bon Jeannin sans défiance, le saisir par la ceinture, l’enlever d’un bras puissant et le coucher en travers sur le garot de son vigoureux cheval.

Mme Reine et Jeannine poussèrent ensemble un cri de détresse. Mais ce cri fut étouffé sous la grande clameur qui s’éleva dans les rangs des chevaliers de Bretagne :

— Trahison ! trahison ! Sauvez le duc !

Le duc ? Ce n’était donc pas le bon Jeannin qui avait demandé à boire ? C’était peut-être lui qui venait de désarçonner bel et bien le sire de Beaujeu ?

— Qu’est cela ? dit le roi paisiblement.

Il savait ce que c’était mieux que personne.

L’échange des armures entre le duc Français et Jeannin avait été décidé en conseil, devant dix braves seigneurs tous très discrets. Gare aux secrets gardés par tant de loyautés !

Ce fut incontinent un tumulte effroyable. Ce qu’il y eut de gens écrasés, nous ne saurions point le dire. Goton accusa depuis Mathurin d’avoir profité de la bagarre pour essayer de l’étouffer dans la presse.

— Bette, dit dame Josèphe, soutenez-moi d’avance au cas où je me trouverais mal ultérieurement. Veillez à ce que le faucon, effrayé par ce tapage, ne prenne point sa volée. Je crois comprendre que le duc notre seigneur court un danger par trahison ; tirez votre épée, maître Biberel, et rendez-vous au combat en ayant soin de dire qui vous êtes au service de la dame de la Croix-Mauduit.

— Le duc ! le duc ! Sauvez le duc !

Dames et gentilshommes se mêlaient sur les gradins. Cependant, l’homme qui avait joué le rôle de François de Bretagne dans la passe d’armes, souleva la grille de son casque et cria d’une voix tonnante :

– Bretagne-Malo ! À nous les Bretons ! Au riche duc !

— Jeannin ! fit Mme Reine stupéfaite.