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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/135

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— Ma fille Jouanne, ajouta-t-il, interpellant à haute voix la petite gardeuse d’oies qui avait le front, les joues et le cou pleins de sable, c’est pour toi et le pâtour que notre sire le roi de France a donné la fête !

— La demoiselle de sang noble qui reçoit la couronne, bouquet, ou guirlande des mains du chevalier vainqueur, disait pendant cela dame Josèphe de la Croix-Mauduit, encore est-ce parfois une écharpe brodée ou même un sautoir, suivant le caprice du maître des joutes, ladite demoiselle, si son éducation ne fut point négligée, doit se lever, rougir, trembler légèrement et faire trois révérences tronquées pour marquer le grand trouble où la jette cette distinction inespérée. Elle doit en outre balbutier quelques paroles inintelligibles et telles que l’émotion les laisse échapper. Il n’est point mal qu’elle pose sa main au-devant de ses yeux pour parer à l’éblouissement qui la va prendre. Bette, et vous, Biberel, j’invoque votre double et loyal témoignage : ma nièce a-t-elle vaqué à tous ces devoirs ?

Comme maître Biberel et Bette allaient répondre, les fanfares éclatèrent aux deux extrémités de la lice. La terre ne trembla point sous le pas lourd des chevaux, parce que le sable inerte amortissait le choc, mais il se fit un grand bruit de fer et le vent souleva deux tourbillons furieux. Les tourbillons se rencontrèrent au centre de l’arène. Ce fut comme un coup de tonnerre.

Fier-à-Bras battit des mains en voyant deux Bretons et trois Français mordre le sol. Le duc avait désarçonné Beaujeu.

— Regardez, regardez, s’écria le nain, qui tendit ses deux petits bras vers le quartier des Bretons ; la joue est close pour aujourd’hui, et nous allons avoir un autre spectacle.

Une chose étrange avait eu lieu. L’Homme de Fer courant contre messire Aubry, avait évité le coup de lance de son jeune adversaire sans le frapper lui-même. Passant entre Aubry et son voisin Coëtlogon, il avait percé la ligne bretonne, et, au lieu de se retourner comme les autres, il piqua des deux vers la tente ducale.