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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/141

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Il était si loin désormais que son cheval et lui semblaient au roi un point sombre sur la grève. Le roi dit :

— Ce comte Otto est mieux qu’un fier soldat, c’est un rusé joueur ! Il avait lui-même suggéré au duc François l’idée de ce déguisement pour le séparer de ses fidèles. Si François, mon frère et mon cousin, eût gardé en tête le cimier ducal et qu’il fût resté entouré de sa noblesse, il eût fallu, pour l’enlever, bataille rangée… Mais ce Jeannin aussi est un soldat redoutable, il gagne, il gagne…

— Il gagne, répéta Olivier le Dain.

— Le comte Otto, reprit le roi, serait homme, le cas échéant, à se faire un bouclier de François, mon frère et cousin. Je lui ai recommandé fort expressément de ne lui point ôter la vie…

Le Dain regarda son maître qui remettait sous le revers de son manteau la sainte image de l’archange.

Entre le champ-clos et la foule, la mer s’étendit lentement comme un miroir. Le roi dit encore :

— Fais enlever le velours des estrades, Olivier, mon ami. On ne voit plus guère ces gens qui sont là-bas. Je vais me rendre au mont pour avoir des nouvelles.

Louis XI monta à cheval et suivit la ligne des galets, entouré de sa garde écossaise. On arrachait en grande hâte le velours des estrades. La mer glissait sur les sables, huileuse et calme, à un quart de lieue tout au plus de l’arène.

Le roi marcha longtemps sans parler, puis il toucha du doigt le bras de maître le Dain.

— Les choses étant au pis, dit-il à voix basse, ce comte Otto serait tué raide par les chevaliers de Bretagne.

— Vous supposez que Jeannin le joindrait ?… fit le barbier.

— Le cheval du comte Otto porte deux hommes. Mettons que le comte soit tué, les choses restent en l’état. Je n’ai rien risqué.

— Le duc de Bretagne était à la passe d’armes sur la foi de Votre Majesté, objecta le Dain.

— Après tout, fit Louis XI, répondant à sa propre pensée