Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/140

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tons passait à son tour, puis les chevaliers de Chaussey, puis les Français, puis la foule essoufflée.

Le soleil ardent d’août éclairait pour le roi ce ruban animé, allongé sans cesse par les traînards, et qui déroulait sur le fond brillant des grèves, sa ligne interminable.

Le comte Otto et Jeannin semblaient se toucher lorsqu’ils se montraient de face, mais dès qu’une mare les forçait à changer de direction et à démasquer leur profil, on pouvait juger la distance qui restait entre eux. Jeannin gagnait, mais si peu !

La première parole du roi fut celle-ci :

— Mon très cher et bien-aimé cousin François doit être bien à la gêne sur le cou de ce cheval !

Ce disant, ses lèvres minces et droites avaient un sourire bénin.

Au bout de plusieurs minutes, il ajouta :

— Ce comte Otto est un fier soldat !

— Voyez, sire, voyez ! s’écria Olivier le Dain, quelque chose de brillant là-bas, en avant du comte…

Le roi pâlit.

— Saint Michel nous soit en aide ! murmura-t-il ; le comte Otto doit voir la mer monter aussi bien que nous.

C’était la mer qui montait en effet, dans un de ces mille cours d’eau qui sillonnent les lises.

— Voyez, sire, voyez ! dit encore maître Olivier, la grève devient noire ; là-bas, sur la droite, on dirait une autre foule !

Le roi tira de son sein l’image d’or de l’archange et la baisa.

— Les pèlerins qui n’ont point voulu venir jusqu’ici pour assister à ma passe d’armes sont sortis de leurs tentes, répliqua-t-il ; le spectacle va les chercher, ils regardent… Dieu merci, le comte Otto doit les voir aussi bien que nous.

En ce moment l’Homme de Fer changea brusquement la direction de sa course ; au bout de quelques secondes, Jeannin fit de même, puis les chevaliers, puis la foule ; le serpent tout entier ondula. Sa tête sembla remonter vers sa queue, et l’on eût dit que le comte Otto, abandonnant son dessein de gagner le Mont Saint-Michel, se dirigeait maintenant vers la terre ferme.