Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/147

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— En avant ! en avant ! Jeannin, brave homme, tu le tiens à la montée !

De la grève à la porte du couvent, il y avait en effet une rampe que, de mémoire d’homme, nul cheval n’avait gravie qu’au pas et tiré par la bride. La rampe a été minée depuis et déferait encore le trot du plus vigoureux coursier.

Jeannin serrait déjà la poignée de son estoc et se préparait au combat.

Le comte Otto enfonça pour la première fois les éperons dans le ventre de son cheval, qui attaqua la rampe au galop. Le roc rendit quatre gerbes d’étincelles.

— Ouvrez, au nom du roi de France ! cria en même temps le comte d’une voix sonore.

On vit la lourde porte du monastère tourner lentement et comme à regret sur ses gonds.

Le cheval de Jeannin, emporté par son élan, attaqua la rampe à son tour. Contre toute attente, son sabot tint sur le roc vif. Dans un effort suprême, il gagna encore quelques pieds.

Jeannin leva son épée.

— En avant ! en avant ! bon écuyer !

Pour la seconde fois l’Homme de Fer laboura les flancs de son coursier, dont le puissant poitrail rendit une plainte. Son sabot mordit le roc. En retombant, l’épée de Jeannin frappa le vide.

La scène avait maintenant pour spectateurs le monastère tout entier suspendu aux crénaux, les Bretons, les Français, les hommes de Chaussey, la foule, qui commençait à border le canal, et les pèlerins dispersés sur la grève. Dix mille poitrines haletaient oppressées.

— Un effort, Jeannin ! En avant ! en avant !

Ainsi parlèrent une dernière fois les chevaliers de Bretagne, impuissants à secourir leur souverain. À leur cri répondit une voix sourde et brisée :

— Jeannin, sauve-moi, et tu seras chevalier !

C’était le duc.