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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/155

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Il mit ses coudes sur ses genoux et prit un air confidentiel.

— Tu ne sais pas ? dit-il en baissant la voix.

— Quoi donc ?

Tu vas rire, si tu aimes les bonnes aventures. C’est moi qui ait porté le vin du roi, cette nuit, parce que frère Martin dormait.

— Après ?

— J’ai vu le roi. Est-il possible qu’il y ait des gens pour être sujets à de pareilles manie ! Devine ce que le roi faisait.

— Dis-le, je le saurai.

— Le roi causait.

— Avec qui ?

Frère Bruno éclata de rire, et dit parmi les hoquets convulsifs de sa gaieté :

— Avec le roi, mon trésor, le roi causait avec le roi !

Il se tordait sur son escabelle.

— Ah çà ! s’écria-t-il tout à coup en cessant de rire, tu trouves donc cela bien divertissant ?

— Dame ! songe donc, un homme qui cause tout seul !

— Tu ne t’es pas aperçu, mon vieil ami, que tu fais avec toi-même des conversations de deux heures ?

— Moi ! se récria Brun piqué au vif.

— Toi-même, répliqua Bruno sévèrement. Je t’y ai surpris vingt fois, et je t’engage à plus de charité. Fais-moi le plaisir de t’aller coucher.

Bruno baissa l’oreille et gagna son lit en pensant ;

— Vieux coquin, je te revaudrai cela !

Une heure de bon sommeil le guérit de sa rancune, et quand il se leva, tout fiel avait disparu. Ils causèrent tous deux, Bruno et lui, comme deux excellents camarades jusqu’au moment où on sonna la réfection, et ils furent d’accord pour se dire :

— Mon ami, je crois qu’aujourd’hui nous allons en voir de belles !