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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/157

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entreprendre guerre ni lointain voyage sans les congés et licence du roi », est-ce suffisant pour museler le monstre ? Le monstre briserait avec ses dents un mors qui maladroitement le serrerait…

C’était une grande chambre voûtée, au centre de laquelle tombait une clé à six pans, guillochée à jour. Depuis le premier voyage de Louis XI on la nommait la chambre du roi. Les boiseries noires sculptées portaient aux quatre côtés l’écusson de France. Les premiers rayons du crépuscule, passant au travers des hauts châssis à vitraux, pâlirent la lampe et jetèrent de fantasques reflets à la face bilieuse du souverain. Il travaillait et ne s’occupait point de savoir si c’était la lampe où le jour qui éclairait son travail.

Matines sonnèrent. Il se signa par habitude et continua de travailler.

Vers cinq heures, la porte s’ouvrit doucement et maître Olivier le Dain, qui avait le pied doux et furtif comme les chats, entra sans produire aucun bruit. Il portait à la main l’aiguière et le bassin d’argent. Sous son bras gauche était la boite à rasoirs. Il passa derrière le roi et soufïla la lampe.

— Bonjour, mon compère, dit Louis XI ; nous fîmes hier une belle journée. Par l’intercession de monseigneur saint Michel, nous continuerons aujourd’hui notre heureuse besogne. Que fait le duc ?

— Il boit, répliqua maître le Dain.

— Et le comte Otto Béringhem ?

— Il dort.

Le roi tendit ses joues que maître le Dain couvrit de mousse prestement.

— Mon compère, reprit Louis XI, as-tu visité ces cachots non-pareils qui furent creusés dans le roc vif sous les fondements du monastère ? Penses-tu que le sorcier d’Allemagne, avec ses enchantements, pût sortir de là, s’il y était une fois enfermé ?

Maître le Dain repassa son rasoir sur la paume ouverte de sa main.