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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/167

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d’autres qui vont se penchant pour parler à l’oreille des jeunes filles, Aubry, dédaignant le mystère banal, avait élevé la voix devant tous pour proclamer bien haut sa tendresse.

La couronne de beauté que le hasard avait partagée, Aubry en avait réuni les deux tronçons dans ses mains.

Et avec quelle ardeur !

Il n’avait pas pris la guirlande du Maudit à Jeannine, il la lui avait arrachée !

Les deux jeunes filles chevauchaient l’une à côté de l’autre.

Mme Reine avait appelé Aubry auprès d’elle. Mme Reine, en effet, avait compris autrement que Berthe l’indignation d’Aubry ; elle ne voulait plus le laisser entre Berthe et Jeannine. Elle devinait qu’Aubry avait reporté à Berthe l’hommage du Maudit tout entier, parce que l’hommage ne le blessait qu’en s’adressant à Jeannine.

Cela voulait dire : « Ne touchez pas à Jeannine ! »

Quant à Berthe, messire Aubry ne s’opposait point à ce qu’on lui décernât des couronnes.

Sur la route de Pontorson à Dol, il est un site sauvage, un ravin profond et boisé où passe un ruisseau caché sous les glaïeuls. Au creux même du ravin, une croix de pierre mutilée se dressait. On accusait l’Ogre des Iles d’avoir commis là un sacrilège, une nuit qu’il enlevait des petits enfants de Baguer. Ce lieu avait dès longtemps mauvaise renommée. La route y tournait pour gravir la montée et se diriger vers Dol ; sur la droite un bois de haute futaie s’étendait.

La nuit commençait à tomber quand l’escorte arriva en vue de la croix brisée. Mme Reine marchait en tête avec Aubry. Entre lui et Jeannine, il y avait la maison de la douairière et les hommes d’armes de Kergariou.

Au moment où Mme Reine et son fils commençaient à gravir la montée après avoir dépassé la croix, ils entendirent des cris sur les derrières. Aubry crut reconnaître la voix de Jeannine ; il s’élança. Au pied même de la croix, les deux hommes d’armes de Maurever qui formaient l’arrière-garde de l’escorte, étaient couchés morts. Jeannine et Berthe avaient disparu.