Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/17

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Nous avons oublié de vous dire cela, tant notre pauvre Aubry perd de son importance auprès du resplendissant Olivier. Aubry avait aussi disparu. Aubry était évidemment avec le baron d’Harmoy ; on le disait, madame Reine l’entendait dire. N’était-ce pas effrayant ? mais n’était-ce pas flatteur et charmant ? De ce fait, Aubry ne recevrait-il pas quelque lustre ? Les dames parlaient déjà de lui !

Aubry était avec messire Olivier ; Aubry allait devenir tout pareil à messire Olivier. C’est-à-dire, entendons-nous : Aubry allait avoir tout ce que messire Olivier avait de beau et de bon ; le mauvais, madame Reine n’en voulait pas pour Aubry.

Elle était si contente, madame Reine, qu’elle oubliait le dessein formé à l’avance de parler à Berthe de Maurever et de lui faire un peu la morale. Au sens de madame Reine, Berthe se familiarisait par trop avec la petite Jeannine. Madame Reine parlait comme Javotte. Mais Berthe avait entraîné Jeannine sur la terrasse, et madame Reine n’en savait seulement rien.

C’était un beau spectable. L’azur du ciel s’étendait comme un dôme tout parsemé d’étoiles. La lune, qui se couchait derrière les collines de Cancale, laissait deviner l’immense horizon des grèves ; mais l’œil était saisi tout d’abord par les mille lueurs, fixes ou mobiles, claires ou fumeuses, qui diapraient la plaine. Elles brillaient partout, les torches à la longue chevelure de feu, les lanternes balancées au vent du large, les humbles résines abritées au fond de leur cornet en parchemin. Les rondes joyeuses se déroulaient autour des flambées de genêt ou d’ajonc ; les fourneaux forains jetaient, sous l’effort du soufflet, de folles traînées d’étincelles. Le pont, chargé de pots-à-feu et de lampions, dessinait son dos d’âme gothique ; le Couesnon lui-même, égalisant sa large nappe d’eau salée, servait de miroir à la fête ; chacun de ses petits flots scintillait gaîment.

Et le tapage ! et la joie ! On avait bu. Il y avait trois fois plus de batteries que de danses. Les batteries, avouons-le sans scrupule, sont l’allégresse d’une fête bretonne. Trois dents