Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/18

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cassées, un œil « poché », cela refait bien un jeune gars ! Et buelle fille a le cœur de gronder le fiancé qui revient avec la vaillante bosse au front ou la compresse mouillé sur l’oreille ?

À la lutte, on déchire la chemise ; à la batterie, on lacère la peau vivante. La lutte est bonne avant souper ; après souper, fermez les poings, lancez le mortel coup de tête ou retournez-vous pour mettre votre talon ferré dans l’estomac des amis. Et vive la joie ! Avez-vous des bâtons ? c’est mieux encore ; les bâtons sonnent l’un contre l’autre, cela réveille le cœur. Une tête cassée, ne voilà-t-il pas de quoi se plaindre ! Le fouet aussi peut servir. Le fouet emmanché de court et portant a mèche poissée au bout d’une corde de douze ou quinze pieds. Le fouet, quand on le manie bellement, coupe aussi bien que le sabre ; en outre, le fouet claque gaillardement : ne dédaignez pas le fouet. Mais le couteau, jamais ! c’est l’arme lâche des villes.

Eh bien ! la lutte marchait, au grand préjudice des bonnes chemises de chanvre ; le pugilat breton, à coups de poing, à coup de tête, ne chômait point : le bâton faisait merveille, le fouet s’escrimait bravement. Il y en avait pour tous les gouts. Les filles abandonnées, se consolaient à la ronde des sabots :

« Ma grand’maman disait terjou
Qu’y avait un loup
Es bout d’la prée :
Ma grand’tante, d’un’fois y fut,
N’an n’la point r’vu,
L’a-t-i mangée ?
Sabotons,
Sabotoux.
Garez-vous
Les loups-garous ! »

Après le refrain, il faut donner le branle, afin de courir à perdre haleine, jusqu’à ce qu’un pied trébuche sur le gazon. Dès qu’un pied trébuche, tout le monde tombe pêle-mêle. On rit ; on hurle ; on se relève ; on recommence. Il y a quatre-vingts