Aller au contenu

Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la cohue, un vieillard à la face vénérable, dont le front se couronnait de longs cheveux blancs. Il était monté sur un âne, comme Notre-Seigneur, et portait à la main un crucifix.

À sa vue, la figure d’Otto Béringhem se décomposa. Le maudit essaya de briser ses liens et grinça des dents en blasphémant.

Tous ceux qui étaient venus là des bords de la mer, reconnurent bien le saint ermite du mont Dol, Enguerrand le Blanc.

Il éleva la croix au-dessus de sa tête. L’Homme de Fer courba le front.

Un silence solennel régnait sur la place.

L’ermite dit :

— Prosternez-vous la face contre terre et priez !

Il n’y eut pas un genou qui ne touchât le sol.

L’ermite mit pied à terre et s’en alla prendre Berthe de Maurever par la main. Il lui traça sur le front le signe du Chrétien, puis il dit :

— Dieu le veut… allez, ma fille.

Berthe, l’œil fixe, le pas automatique, semblable à ces somnambules que la volonté du magnétiseur fait agir malgré elles, descendit les degrés de son estrade et monta ceux de l’échafaud. L’ermite lui montra du doigt le glaive ; elle le souleva avec peine. L’ermite lui montra l’Homme de Fer.

Comme Berthe, trop faible, ne pouvait porter le glaive jusqu’à la nuque du comte Otto, l’ermite dit à celui-ci :

— À genoux, au nom du Dieu vivant !

L’Homme de Fer se raidit ; mais, comme si un poids écrasant eût chargé tout à coup ses épaules, on vit fléchir ses robustes jarrets.

La jeune fille, par un effort suprême, approcha le glaive de sa nuque. L’acier toucha la chair. Il n’y avait pas, dit la légende, de quoi blesser un agneau nouveau-né… La tête d’Otto Béringhem roula sur les planches de l’échafaud.

Berthe éleva ses deux bras vers le ciel et se coucha, morte auprès du mécréant décapité.