Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/40

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Vade retro ! balbutia-t-il. Ah coquin, tu m’étrangles ! Grâce, mon petit ami, nous étions compères de ton vivant !… Vas-tu me lâcher, vampire !

Le quelque chose le prit par sa dernière mèche en façon de licou et se mit à faire le mouvement d’un cavalier qui trotte.

— Scélérat damné ! démon ! criait le malheureux Bruno ; ah ! je me souviendrai longtemps de cette aventure !… Mon digne petit compagnon, que t’ai-je fait ?

— Hop ! cria le lutin ; au trot ! au galop ! hop ! hop !

— Pitié ! râla Bruno, dont la langue pendait.

— Feras-tu ce que veut Jeannin ?

— Je ne puis.

— Alors, nous allons chevaucher jusqu’aux sables mouvants.

— Miséricorde !

— Ou plutôt, je vais dire un mot au tonnerre.

Un éclat de foudre fit trembler l’atmosphère et le sol.

— Miséricorde ! miséricorde ! répéta le frère Bruno affolé, je ferai tout ce que tu voudras, mon cher petit ami.

Il sentit son cou subitement dégagé. Il se releva. Son regard timide chercha tout alentour, et Dieu sait que les éclairs ne manquaient point pour aider sa recherche. Il n’y avait personne auprès de lui. Un instant il pensa qu’il avait été le jouet d’un cauchemar. Mais, au dernier éclair, le buisson de saules s’agita, comme si une main robuste l’eût secoué furieusement, et la voix fantastique s’éleva de nouveau :

— Je vais annoncer au bon écuyer Jeannin, dit-elle, que tu l’attends avec ses hommes d’armes.

— C’est convenu, répliqua le moine ; que Dieu me protège !

— Au revoir !

Frère Bruno reprit sa course. Quand il eut fait une centaine de pas sous la pluie, il se retourna, les poings fermés, et menaça le vide.

— J’en aurai le torticolis ! dit-il, et que le diable t’emporte avec ton bon écuyer Jeannin !… En soixante-neuf, les saules