Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/45

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chevaucher côte à côte avec le diable !… Ah ! ah ! mon ami Jeannin, il est grand temps que tu sois chevalier !

— Explique-toi.

— Que nenni ! L’explication serait peu respectueuse pour ton jeune maître. Je suis gentilhomme et j’ai le droit d’avoir mon opinion, la voici : je donnerais pour notre belle Jeannine messire Aubry, madame Reine et Berthe de Maurever pardessus le marché. J’ai idée parfois que je l’aime autant que mes tourtes, notre belle Jeannine ! Pasques-Dieu ! comme dit mon cousin le roi de France ; l’ermite l’a appelée noble dame, et l’ermite ne parle pas au hasard…

Jeannin le prit par les deux épaules et le regarda en face.

— Messire Aubry aurait-il commis quelque faute grave ? demanda-t-il.

— La faute que commet le papillon en mettant son aile trop près de la chandelle, répondit le nain.

— Court-il un danger que je puisse lui épargner ?

— Il court le danger des fous sur les ponts où il n’y a point de parapet.

— Au nom de Dieu ! dit Jeannin pour la seconde fois, explique-toi !

Mais le nain disait et faisait ce qu’il voulait, rien autre.

— Tout à l’heure, fit-il, comme s’il se fût parlé à lui-même, pendant que nous étions sous les peupliers, je regardais la façade de l’hôtel du Dayron. Toutes les fenêtres étaient noires, hormis une seule. Sur les blancs rideaux de celle-là ; j’ai vu deux silhouettes se détacher le profil hautain de Berthe et le gentil profil de Jeannine…

— Berthe de Maurever, en effet, dit l’écuyer, daigne porter à ma fille une affection qui nous honore.

— Et qui me fait l’aimer un petit peu, ajouta le nain, bien qu’elle soit la nièce de dame Josèphe de la Croix-Mauduit, qui m’a fait chasser de son hôtel par son vieil écuyer. Sais-tu, Jeannin ? si tu ne deviens pas chevalier, tu ressembleras sur tes vieux jours à l’écuyer de dame Josèphe, lequel rit encore moins souvent que madame Reine… Mais pourquoi cette