Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/54

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Le regard de Jeannine glissa entre ses longs cils et vint effleurer le visage pensif de Berthe. Berthe se leva.

— Dénoue les cordons de mon corsage, dit-elle ; nous causerions là jusqu’à demain ! Il te regardait sans cesse pendant qu’il parlait.

— C’était vous qu’il regardait, chère demoiselle, répliqua Jeannine.

— Détache l’agrafe de ma ceinture. Était-ce moi qu’il regardait ? Une nuit, il y a déjà longtemps de cela, j’ai rêvé que nous étions rivales, toi et moi… Comme ta main tremble, ma fille tu ne peux pas défaire l’agrafe ? vois, il suffisait de la toucher. Sauras-tu nouer mes cheveux pour la nuit ?

— J’essayerai, chère demoiselle.

— Je ne te connaissais point cette vocation pour le couvent.

— Si messire Aubry, mon cousin, eût fait choix d’une autre fiancée, je crois que je serais entrée en religion, moi aussi.

— Messire Aubry ne peut aimer que vous, balbutia Jeannine.

— Parlait-il de moi quelquefois au manoir du Roz ?

— On parlait de vous chaque jour.

— Pendant toute cette soirée, dit Berthe comme malgré elle, messire Olivier m’a empêchée de voir Aubry.

Il y eut un silence, Jeannine nouait par derrière les longues tresses blondes de mademoiselle de Maurever. Une voix harmonieuse, qui semblait voiler à dessein l’éclat de ses notes sonores, chanta un couplet sous le balcon. La main de Jeannine lâcha les tresses, qui ruisselèrent en flots d’or sur les épaules de Berthe. Celle-ci restait immobile, la bouche demi-close, l’oreille attentive. La voix disait :

Connaissez-vous le cri du lion ?
Au vivant rosier d’Hélion,
Vont éclore deux fleurs nouvelles :
Roses jumelles.
Le rosier appartient au lion,
Le vivant rosier d’Hélion.