Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/61

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davantage… elles ont brillé le temps de lire les mots de la devise : À la plus belle !

— Oh ! reprit-elle en pleurant, cette fois, personne ne l’a vue sinon moi ; cette fois c’était pour moi, non point parce que je suis la plus belle, Jeannine, il n’y a point au monde de jeune fille plus belle que toi, mais parce que je suis la victime désignée. Je n’ai pas de bouclier : On ne m’aime pas, voilà mon malheur et ma condamnation !

Ses blanches mains voilèrent son visage inondé de larmes. Jeannine essayait de la consoler ; elle perdait ses caresses. Jeannine ne savait pas au juste si c’était illusion ou réalité. Elle avait aperçu un reflet de cette lueur dont parlait sa compagne. Mais Jeannine se disait, calme dans sa tristesse résignée :

« Les sorts jetés ne peuvent rien contre moi ! »

Je ne sais quel bonheur mélancolique et profond était au sein même de son sacrifice. Elle n’espérait point, mais on l’aimait.

Elle avait parlé vrai : elle eût donné sa vie pour que messire Aubry pût guérir la blessure de ce pauvre cœur qui battait là contre le sein. Mais on l’aimait.

On l’aimait. Elle allait vers Dieu d’un cœur léger, lui portant comme une belle offrande la pureté de ses larmes, les combats de son cœur, la résignation de son âme…

— Voilà pourquoi je suis condamnée, reprit Berthe après un long silence et d’une voix plutôt faible : je sentais bien cela ce soir pendant que messire Olivier parlait. Mon premier émoi ne fut qu’un étonnement frivole. Je cherchais toujours les yeux d’Aubry pour y touver le secours qu’il me doit. Les yeux d’Aubry fuyaient les miens. Son regard glissait sur toi, ma pauvre Jeannine, pour aller je ne sais où… Ne rougis pas. Derrière toi, il y avait sans doute quelque dame de la cour pour me voler la pensée de mon fiancée. Alors, un désir m’a saisie : forcer les regards d’Aubry à se fixer sur moi ! Je suis timide ; j’ai vaincu ma timidité. Ma voix s’est élevé quand les hommes eux-mêmes se taisaient et j’ai protesté, pour l’hon-