Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la route de Saint-Georges de Gréhaigne. Arrivé là, messire Olivier arrêta son cheval.

La colline est haute ; la vue s’y étend de toutes parts, depuis le mont Dol, qu’on aperçoit au loin dans les terres du côté de l’ouest, jusqu’aux grèves qui sont au nord et qui festonnent la rive normande en descendant vers l’Orient. En ce pays le mont Saint-Michel se voit de partout. Nous avons décrit ailleurs ce bizarre et féérique aspect auquel les riverains normands et bretons ne prêtent qu’une attention médiocre, mais qui arrête tout court le voyageur émerveillé ; le mont Saint-Michel jaillissait de la brume comme une immense et sombre nef qui voguerait sur une mer d’argent.

Au moment où Aubry et messire Olivier atteignaient le sommet de la colline, le brouillard étendait sur les grèves et sur la mer son grand voile qui absorbait les rayons obliques du soleil ; le mont, dont la tête passait au-dessus du niveau, recevait d’aplomb la lumière sur ses faces exposées au levant, tandis que les parties qui regardaient l’occident restaient dans le noir opposition double, en ombre et en lumière, au fond neutre de l’océan de vapeurs.

Malgré la distance et par l’effet d’optique si commun sur les grèves, les bâtiments du monastère, éclairés ainsi à revers pour Aubry et Olivier, se dessinaient avec une netteté miraculeuse. On eût dit une de ces fines découpures que la dévotion si belle de ce siècle collait dans les livres d’heures.

La Merveille, ce hardi chef-d’œuvre, s’élançait au-dessus des cloîtres, soutenant le campanile svelte, au faîte duquel la statue d’or de l’archange semblait une étoile brillante égarée en plein jour dans le ciel.

Nos deux gentilshommes restèrent plusieurs minutes en contemplation devant ce tableau imprévu.

— C’est beau, dit Aubry.

— Comme peuvent être beaux, répliqua messire Olivier les essais naïfs de notre art si vieux, mais toujours en enfance. J’ai vu les ruines d’Athènes et les ruines de Memphis ; j’ai vu les hautes pyramides qui dominent le désert égyptien comme