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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/70

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ce rocher domine la solitude de vos grèves. Une fois, je me suis arrêté dans une plaine d’Assyrie, le cœur ému et le front mouillé : devant moi était le cadavre de Ninive. C’est beau, dites-vous ? Le soleil éclaire aussi et avec plus d’orgueil les terrasses blanches de Palmyre. À l’autre extrémité de votre Bretagne, Penmarch a des rochers plus noirs et plus terribles. C’est beau, parce que tout est beau qui est vaste, la mer et la brume sans bornes, les sables mortels, le désert, le ciel ; la grandeur fait la beauté… Les portiques d’Hélion qui baignent dans le flot le socle précieux de leurs colonnes sont plus beaux que cela. N’admirez pas avant d’avoir comparé, mon jeune maître. Le monde est long et large. Savez-vous ? Le mirage renverse les objets : un jour de mirage, j’ai vu votre archange d’or terrassé à son tour sous le dragon vainqueur. Le dragon est d’or comme l’archange, et, comme l’archange, il a des ailes.

Aubry écoutait laborieusement. Il cherchait le sens de cet obscur langage.

Quand même les paroles de messire Olivier n’eussent point eu de sens. Aubry aurait encore écouté avec respect. Il était subjugué. Cet homme faisait vibrer en lui avec violence la fibre de révolte qui est au cœur de tous les enfants.

Messire Olivier se remit en marche au pas pour descendre la colline.

— Croyez-vous aux présages ? reprit-il en se retournant brusquement vers Aubry.

Et avant que celui-ci eut répondu, il étendit la main dans la direction du mont Saint-Michel.

Soit que le brouillard gagnât, soit que ce fût l’effet naturel de la pente qu’ils suivaient, le mont Saint-Michel, avec son audacieuse échelle d’édifices, disparaissait lentement dans la brume.

Les éperons d’or de messire Olivier touchèrent les flancs de son cheval. Au bout de quelques minutes nos deux compagnons entrèrent dans cette mer de vapeurs qui couvraient encore toute la vallée. Aubry ne connaissait pas parfaitement