Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/78

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rage. Quand les deux voisins en venaient aux mains, le bâton servait tantôt a Jacques, tantôt a Pierre : Pierre et Jacques portaient tous deux de ses marques sur le corps. Un beau jour ils burent ensemble au coin du feu. Savez-vous ce qu’on prit pour allumer la flambée ? Ce fut le bâton de houx.

— Et vous pensez, mon cousin, demanda le duc François, sans oublier de boire un coup, que l’Anglais et le Français réconciliés par la fortune, nous garderaient le sort du bâton de houx ?

— Je le pense, répliqua Dunois.

— Eh bien ! reprit Jean de Plœuc, si nous sommes trop petits, grandissons ! Nous sommes les Celtes, refaisons la Gaule celtique et repoussons les Francs jusqu’à leur Ile-de-France, où leur roi s’appellera encore une fois le roi de Paris ! Prenons la Normandie jusqu’au cours de la Seine, le Maine, l’Anjou ; passons la Loire, bretonne par son embouchure ; envahissons le Poitou et l’Angoumois jusqu’aux rives de la Charente ! l’Anglais sera notre voisin en Guyenne. Vers l’est, traçons nos frontières au travers des pays de Chartres, d Orléans et de Bourges. Le roi Grallon eût conquis ce pays sans le crime de sa fille : que notre duc ferme sa couronne élargie et qu’il soit roi entre deux rois !

François ne put moins faire que de boire. M. Tanneguy et Dunois souriaient. Châteaubriant, Coëtlogon, Rieux, Bruc et Goulaine avaient leurs épées qui les démangeaient.

La draperie qui fermait la tente se souleva, et Laënnec, le sergent d’armes, annonça que maître Jeannin, écuyer de Kergariou, avait reçu le message qu’il attendait.

— Qu’il entre ! cria le duc.

— C’est que, dit Laënnec, il n’est pas seul ; le nain Fier-à-Bras, fou du sire de Coëtquen, ici présent l’accompagne.

— Ah ! ah ! fit Coëtquen, voici deux jours entiers que je n’ai vu mons l’Araignoire ! Il ne sera pas fouetté, puisqu’il agissait, à ce que je vois, pour le service de monseigneur le duc.

— Que le fou entre avec l’écuyer, ordonna le duc, qui ne