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LA PEUR DES BOSSES

— Ver !… on ne vous a pas menti en vous affirmant la chose… Cocardasse et Passepoil, c’est censément comme Oreste et Pylade…

— Connais pas ces gens-là, interrompit le spadassin dont toute la science s’était bornée à l’étude des traits d’escrime et qui n’hésita pas à penser que les deux légendaires amis étaient des prévôts qu’il n’avait pas le plaisir de connaître.

Le Gascon, guère plus ferré que lui sur le sujet, ne jugea pas à propos de lui entamer un cours d’histoire.

— Venez-vous souvent ici, maître Blancrochet ? demanda Amable à brûle-pourpoint.

— Vous pouvez m’y trouver tous les jours vers cette heure, si le cœur vous en dit. Nous nous y réunissons, un certain nombre de braves gens d’épée comme vous et moi, pour y causer de nos petites affaires et nous serions très honorés que vous fussiez des nôtres.

— Ah !… fit Passepoil. Et quel est le chef de cette respectable association ?

— Votre serviteur en personne, répondit Blancrochet en s’inclinant. Nul n’a le droit de pénétrer ici sans que je lui permette et, si vous y êtes pour l’instant, messeigneurs, c’est que vous êtes dignes d’y être accueillis en amis, quand et comme vous le voudrez.

— On vous en rend grâces, et nous userons sans doute de votre offre… En attendant, ne pourriez-vous nous dire les noms de ceux de vos principaux compagnons que nous aurons l’honneur de rencontrer ici ?

— Qu’en voulez-vous faire ? questionna le bretteur avec méfiance.

— Simplement pour savoir s’il ne se trouverait pas parmi eux de vieilles connaissances que nous aurions plaisir à retrouver.

— Attendez la tombée de la nuit, vous les verrez presque tous, à l’exception de quatre ou cinq que sûrement vous ne connaissez pas.

— Cela dépend… qui sont-ils ?

— Gauthier Gendry, Gruel dit la Baleine, deux anciens.

— Vivadiou ! s’écria Cocardasse, c’est précisément ces gaillards-là que nous serions aises de saluer aujourd’hui même…

Passepoil s’empressa de lui couper la parole :

— Pardieu oui, dit-il… Et vous dites que nous n’aurions pas le plaisir de les voir ?

Blancrochet poussa son lieutenant du coude. Les deux malandrins — on verra plus loin pourquoi — étaient au courant de ce qui s’était passé à l’égout de Montmartre et ne voulaient pas le laisser voir.

— Ils viennent ici quelquefois, dit le premier ; mais je puis vous assurer qu’ils n’y seront pas ce soir. Qui vous empêche de les rencontrer ailleurs ?

— Où cela ?

— Il est à peine deux heures de relevée ; à quatre heures ils doivent se trouver près de la porte de Montmartre et nous aussi, sans doute.

Cocardasse se leva pour crier :

— Nous y serons tous, caramba ! et vous serez charmé, j’en suis sûr, maître Blancrochet, d’assister à la petite conversation que nous tiendrons avec eux.

Une heure après nos trois hommes se séparaient de leurs problématiques amis en les assurant qu’ils seraient là à l’heure dite.

— As pas pur, ma caillou !… dit Cocardasse junior dès qu’ils furent à