l’article 1384 du Code civil, l’opinion publique à ce principe
communément admis que, si la fille infanticide est seule pénalement
responsable, le séducteur qui l’a abandonnée l’est
moralement bien davantage. Des règles analogues forment
une partie importante de tout droit et de toute moralité :
nous pouvons les appeler règles de responsabilité.
Les règles et les jugements de responsabilité sont évidemment des faits : ils tombent sous l’observation, on peut les décrire, les raconter, les situer, les dater. Et ce sont assurément des faits sociaux.
Les articles des codes français qui fixent les règles de la responsabilité légale font partie du système des institutions juridiques de la société française ; ces règles sont elles-mêmes des institutions. Un organe défini les formule : les chambres législatives. Les règles auxquelles se réfère implicitement l’opinion publique ne sont pas d’une autre nature, bien qu’elles soient moins nettement formulées ; notre droit pénal écrit suppose l’existence de règles non écrites, auxquelles il se réfère sans les formuler[1]. Tout système de représentations morales qui exerce une contrainte sur les volontés est une règle morale inexprimée. Les règles à formule très précise, les institutions à contours très nets sont les plus faciles à reconnaître et à décrire ; elles se prolongent sous forme de règles de plus en plus vagues, indéterminées, mouvantes, mais dont la nature est, au fond, la même.
Les jugements de responsabilité, énoncés par un tribunal, par l’opinion publique ou par un individu, ne sont pas autre chose que les règles de responsabilité s’appliquant à des espèces ; ce sont les institutions de la responsabilité vivant et fonctionnant : on le voit nettement, quand un organe diffé-
- ↑ Par exemple il n’y a pas de règle écrite qui définisse la culpabilité ni prescrive comment on doit l’apprécier ; qui dise en quoi consistent les circonstances atténuantes : la loi s’en remet ici à la conscience des jurés et des juges, c’est-à-dire à l’opinion morale.