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LES INDIENS DE LA BAIE D’HUDSON.

on part aussitôt éveillé et on va jusqu’au bout de ses forces. Le jour dure si peu (quatre ou cinq heures) à ce moment de l’année qu’on ne fait pas attention à la nuit, la réverbération de la neige et les lueurs du crépuscule suffisent pour qu’on voie à se conduire. Notre marche fût relativement moins pénible, quoique plus lente, et ce ne fut qu’à quatre heures du soir que nous atteignîmes le fort Assiniboine après avoir fait trois cent cinquante milles en quinze jours.

Aussitôt arrivés, tout le monde se met à la cuisine ; par bonheur, ce poste est bien fourni de poisson blanc que l’on prend en quantité immense dans un lac voisin, le lac M’Leod ; on en voit qui pèsent de six à sept livres.

Que ce fût la faim, ou la qualité du poisson, je l’ignore, mais il me parut le meilleur que j’eusse mangé de ma vie ; je me souvins de ce festin dans mes rêves, pendant bien des jours ensuite. Une des femmes se chargea de la difficile tâche de satisfaire mon appétit, tandis que mes deux hommes cuisinaient pour leur compte.

Pensant que personne n’y arriverait assez vite, les premiers poissons furent avalés dans un état qui eût fait rougir le cuisinier le plus ordinaire. Je me dominai cependant, et je donnai un instant à la dame pour préparer mon repas. Ayant enveloppé mes pieds dans des morceaux de toile propres et mis une paire de moccassins secs, je songeai aux pauvres chiens, et descendant avec des poissons, je les leur donnai. C’était merveille de voir les morceaux qu’ils engloutissaient sans songer un instant à les mâcher ; leur apparence après leur repas était singulièrement ridicule : leur ventre était gonflé comme une outre, et le reste du corps tout décharné.