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forme trentime, etc., on ne peut pas conclure à l’amuïssement de l’s, pas plus que de la forme trentisme, on ne peut conclure au maintien de s.[1] »

En 1887, M. Horning penche en faveur d’une influence de disme : « Dans dizisme, trezime, trentisme, uitisme », dit-il, « la finale -isme ne répond pas à -ēsimum (cfr. quaresme = quadragesimam), mais pourrait représenter un suffixe -ęcimus qu’on aurait tiré de dęcimum devenu régulièrement disme, de même qu’on a formé oidme (*octimum) d’après setme (septimum). »[2]

C’est cette explication que Schwan un an après dans sa Grammatik des Altfranzösischen[3] fait aussi sienne, en y introduisant une toute petite modification à propos de l’origine de disme.[4]

Tout au contraire, c’est à l’influence de settime que croit M. Meyer-Lübke dans sa Grammaire des langues romanes : « -ime », dit-il, « ne provient pas de -ẹsimu ; la graphie -isme est de date récente, mais cette désinence a été empruntée à des mots savants tels que septime, etc., et elle s’est ensuite imposée aussi à meesme : meïsme déjà dans le Roland et le Psaut. d’Oxford. » Puis en note, M. Meyer-Lübke rejette définitivement l’autre opinion : « L’explication du français -isme est donnée par Koeritz dans S vor Konson. 7 sqq. A. Horning 22 Rem. 1 a une autre opinion moins vraisemblable. »[5]

C’est plutôt un recul que marque en 1894 le Cours de grammaire historique de la langue française d’A. Darmesteter. Mais il est juste de faire remarquer que c’est une publication posthume, faite pour la partie qui nous intéresse, la morphologie, par M. Sudre. Darmesteter revient encore à -esimus ; « Au xiie siècle cependant, la formation savante avait repris au latin classique second, en même temps que la formation populaire tirait de deux un nouvel adjectif à l’aide d’un nouveau suffixe. Ce suffixe que nous allons retrouver dans tous les noms d’ordre, est au xiie siècle -isme ou -ime et quelquefois -iesme, au xiiie -iesme, plus tard -ième ; il représente, ce semble, une terminaison latine -esimus. »[6]

On ne trouve rien sur la question dans le Précis de phonétique française de M. Bourciez (1889), dans le livre Le français et le pro-

  1. Le but direct de M. Koeritz était de rechercher à quelle époque et dans quelle étendue de territoire s devant cons. s’est amuï. Il arriva donc à cette conclusion qu’il ne peut baser ses recherches sur les ordinaux en -isme ou -ime.
  2. Gramm. de l’a. franç. p. 16.
  3. Ie édition, 1888, § 386. Je ne puis voir si Schwan a modifié son opinion dans sa récente édition, que je n’ai pas sous la main.
  4. Disme pour lui est un mélange de diz, dis et de *dime, forme phonétique de decimu.
  5. I. tr. fr. p. 126. On le voit, M. Meyer-Lübke apointisse un peu ce qu’avait dit Koeritz.
  6. II, § 137. Une note, sans doute de M. Sudre et faite probablement d’après la Grammaire de M. Horning, remarque cependant : « La formation de ce suffixe (-ime, -isme) est encore obscure. Pourquoi -esimu n’a-t-il pas donné -esme, -ême ? »