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reur, — une montre ciselée en fer battu ou une jumelle en celluloïd à son choix, car ce sera un fameux lapin…

— Sire, vous m’en bouchez un coin !

Et dès le lendemain, les expériences ou plutôt le nouveau jeu commença dans une vaste plaine aux portes des usines du célèbre Groupe.

Après maints calculs ébouriffants, l’Empereur et plusieurs officiers d’artillerie encore tout jeunes, stimulés par la nouveauté du jeu, étaient arrivés à lancer à coup sûr un boulet d’un canon dans la gueule de l’autre à trois lieues, sans se tromper d’un millimètre dans leurs calculs ; il n’y a pas à dire, c’était vraiment curieux et il n’était plus question, dans toutes les armées de Germanie, que de ce nouveau jeu de tonneau inventé par l’Empereur et qui allait faire de ses officiers les premiers artilleurs du monde, les pointeurs les plus extraordinaires que l’on ait jamais vus.

Seul, le malheureux Groupe avait jamais pu parvenir à lancer un boulet dans la gueule du vis-à-vis ; décidément il n’avait pas le compas dans l’œil et son empereur l’en blaguait doucement.

— Vous pointez toujours trop bas !

Un jour, de belle humeur, l’Empereur dit à ses officiers et à son État-mineur rassemblés autour de lui :

— Messieurs, voici assez longtemps que nous jouons au tonneau avec notre superbe artillerie