Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 413 —

denrées qui « ont déjà servi » se dénomme, dans la langue imagée des faubourgs le « bijoutier ».

J’ai assisté, au marché des Batignolles, vers dix heures du matin, au déballage des « plats du jour » qui sont plutôt les plats de la veille, voire de l’avant-veille. Le bijoutier, un gros réjoui, est entouré d’une quinzaine de personnes. Des pauvres gens, naturellement, venus là pour s’approvisionner, qui d’un restant de gigot, qui d’une carcasse de dinde aux marrons — veuve de ces derniers.

— Attention ! c’est du veau Marengo ! en voilà pour six sous : à qui vendu ?

— Voilà de la blanquette de veau avec de l’oseille par-dessus le marché ! À qui vendu, pour cinq sous ?

Et le bijoutier continue l’annonce. Il vous a une façon de goûter sa marchandise qui eût engagé feu Monselet, un connaisseur, à se rendre acquéreur de la blanquette de veau « avec de l’oseille ».

J’entends dire à un ouvrier qui passe là, d’aventure : — Mon vieux, j’aimerais mieux greffer pendant trois semaines que de toucher à ta camelote !

— Bon ! fait le bijoutier de l’air d’un homme qui en a entendu de plus fortes, mais il ne faut jamais dire : Fontaine, etc., etc.

Certes, la misère seule peut faire admettre que des gens se nourrissent de choses qui ont déjà été mangées.

Pour ma part, je sais bien qu’un morceau de