Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 1.djvu/165

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pour lui demander une belle action ou un sacrifice, le trouverait-on disposé à imiter un des grands personnages du Tasse, car il y a du caractère napolitain dans le buon Tancredi. La prédilection du lazzarone pour le seizième chant de la Jérusalem délivrée pourrait faire douter de la bonne foi qu’il met à se prêter aux vues du poëte. Le plaisir qu’il goûte à entrer dans les jardins enchantés, à en savourer les délices, et à voir les deux amants se reposer : « elle sur le sein de la prairie, et lui sur le sein de sa maîtresse, » donne à penser qu’il aime trop la faiblesse de Renaud pour souhaiter l’arrivée d’Ubaldo. Cependant, lorsque le libérateur se présente, il y a un mouvement dans l’auditoire, et le sermon de reproches est toujours accueilli avec enthousiasme. Le lazzarone sourit avec dédain quand l’amante irritée s’écrie : « Eh bien ! va-t’en, ingrat… Je te tourmenterai autant que je t’aimai. » Le public du Nord sait siffler un mauvais ouvrage ; celui de Naples sait bien mieux jouir d’un chef-d’œuvre.