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même manège, et, au lieu de s’enfuir, elle regarda le petit ânier en riant. Meneghe ôta son bonnet, fit un salut, et dit à la signorina :

— Bénie soit la main qui me régale !

Et il se mit à manger l’orange. Ce fruit-là, dont une douzaine vaut trois baïocs à Naples, n’a pour ainsi dire aucun prix à Sorrente ; Meneghe eut l’adresse de considérer le présent comme une faveur inestimable. Il assura, dans le style poétique des gens de ce pays, que le suc en était du miele d’amore, et il demanda une autre orange.

Vous savez qu’on donne ici aux ânes le nom de cuccio, et au conducteur celui de ciucciaïo ; ce sont des mots comiques prononcés à l’italienne et qui seraient barbares avec la prononciation française. Tandis qu’Antonia cueillait une seconde orange, Meneghe lui dit :

— Votre excellence m’honore infiniment ; mais si elle veut combler de joie le pauvre ciucciaïo, je la supplie de me mettre l’orange dans la main, comme à un signore cavalière, au lieu de me la jeter comme à un chien.