Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 1.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 244 —

par là, et soit inconstance, soit envie de braver les rigueurs d’Antonia, il se mit en frais pour la voisine. Je voulus montrer à ma fille adoptive l’insolence de son amoureux ; elle me répondit qu’elle l’avait déjà remarquée, d’un air si indifférent que je la crus trop fière pour être jalouse. Un matin, elle me demanda la permission d’envoyer à Angelica une corbeille de nos meilleurs fruits. Cette vengeance me sembla fort noble , et je n’eus garde de m’y opposer. La voisine vint remercier Antonia, et s’en acquitta parfaitement, avec cette grâce et cette effusion touchante que donne la reconnaissance. On s’embrassa cordialement. Les deux jeunes filles voulurent parcourir ensemble le jardin. Je les vis s’enfoncer sous les arbres, les bras entrelacés et appuyées sur l’épaule l’une de l’autre. Tout à coup j’entendis un cri d’angoisse qui me fit frémir. Antonia revint seule. Elle était émue ; ses mains tremblaient, et ses yeux avaient une expression sinistre que je n’oublierai jamais.