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ne sont rien en comparaison. Hélas ! la pauvre Agata, elle est perdue pour nous.

— Son histoire doit être intéressante, répondis-je. Contez-la-moi, je vous prie. Allons au bord de la mer ; nous ferons nos visites demain.

Mon compagnon rapprocha son âne du mien. Nous sortîmes ensemble de la ville par la rue du Corso, et le Sicilien commença en ces termes l’histoire de la belle toppatelle.

J’ai connu Agata quand elle n’avait que quatre ans. Jamais il n’y eut de petite fille aussi aimable. Ses yeux parlaient avant que son esprit fût développé, comme s’ils eussent deviné tout ce qu’ils auraient à exprimer un jour. Elle avait l’air de songer à quelque chose de sérieux qu’on ne savait pas et qu’elle n’aurait pas pu dire elle-même. Sa mère, qui était une franche Sarrasine, lui avait transmis un sang brûlant comme la lave, et recouvert d’une peau brune et veloutée comme le fruit rare et beau qu’on nomme le brugnon. La petite Agata n’était ni farouche ni caressante ; lorsqu’on vou-