Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 1.djvu/336

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lait l’embrasser, elle vous faisait une révérence et vous demandait la permission d’aller à ses affaires avec le ton d’une personne raisonnable. À douze ans, elle était grande et bonne à marier. Si vous l’eussiez vue marcher dans la rue en balançant sa longue taille, si du fond de son capuchon noir elle eût tourné sur vous ses yeux brillants surmontés d’un front jaune et frais comme la nèfle du Japon, monsieur le Français, je vous assure qu’elle vous eût fait perdre la tête. Elle portait la mante noire avec une grâce qu’on ne connaît plus à Catane, et, pour cette raison, nous l’appelions la belle Toppalelle. Dans ses premières années de jeunesse, elle avait je ne sais quelle fantaisie de faire la méchante et de maltraiter ses amoureux. Les garçons n’y prenaient pas garde, et continuaient à rimer pour elle plus de mauvais vers qu’il n’y a d’étoiles au firmament ; car les drôles devinaient bien que sous cette cendre froide dormait un feu caché qui ne pouvait manquer de s’allumer tôt ou tard. Lorsqu’elle travaillait à l’aiguille, auprès de son père, qui était