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Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 2.djvu/276

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La belle rougit à son tour, puis elle se met à rire, en convenant de bonne foi de l’aveuglement de sa vanité. On cause ensuite fort longuement des moyens de se tirer de ce mauvais pas, et on se sépare en prenant jour et heure pour se revoir dans la gondole au mouchoir blanc, près du pont Storto. L’affreux mystère s’éclaircit tout de suite. L’hôte logé par charité est un coquin qui a inventé cette ruse pour voler le portrait orné de perles. Il commet un autre vol dans la maison, et le mari le chasse. Rien n’empêche plus le couple platonicien de reprendre la dernière conférence interrompue ; mais on s’est habitué à aller au pont Storto et à circuler ensemble en gondole, sans préjudice des entrevues par la fenêtre. Ce manège dure pendant six mois. On se tutoie, on se dit qu’on s’aime, et on demeure volontairement, de part et d’autre, dans les régions les plus éthérées du sentiment, exemple rare et peut-être unique sous le ciel de Venise. Cependant un jour on va à Murano faire une collation sous