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LES PERSES D’ESCHYLE.

subitement aveugle pour avoir lancé une javeline sur le Nil dont les débordements noyaient ses jardins. Dans la guerre même, les stratèges, rencontrant un fleuve, s’efforçaient de le gagner à leur cause par des sacrifices. Ils le consultaient à l’aide des auspices, pour savoir s’il leur permettait de franchir son cours ; et si le fleuve refusait le passage, l’armée faisait un détour.

On comprend donc la stupéfaction de Darius apprenant le forfait de Xerxès. Le Détroit d’Hellé, un dieu maritime, outrageusement ployé sous le bât d’un pont, garrotté de cordes, foulé aux pieds d’une armée ; sa grande voix bruyante couverte par les hennissements de la cavalerie ! c’est à cette insulte que le vieux roi attribue la catastrophe de son fils. n y revient avec une insistance indignée : — « La source ouverte des maux, c’est mon fils qui l’a déchaînée par sa jeunesse insolente : lui qui, chargeant de chaînes comme un esclave l’Hellespont sacré, voulut arrêter le divin Bosphore, changer la face du détroit, et, le captivant par des entraves forgées au marteau, ouvrir à une immense armée un chemin immense. Espérait-il donc, lui mortel, l’emporter sur tous les dieux, sur Poséidon ? » — Atossa accuse les courtisans de son fils ce sont eux qui l’ont poussé vers l’Hellade, en lui reprochant de rester oisif, sans agrandir par l’épée