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LES PERSES D’ESCHYLE.

éternel, engourdie par l’immobilité souterraine, lente à s’émouvoir des douleurs terrestres qui s’agitaient autour de sa tombe. L’air de la vie la ranime, il circule dans son être vide comme un sang subtil ; il y réveille non point seulement la mémoire, mais le don prophétique qui couve chez les Mânes. Tout à l’heure, Darius ignorait le présent, maintenant il prédit hautement l’avenir il n’avait pas vu Salamine et il voit Platée. Un rayon s’allume dans son œil éteint et perce l’horizon de l’année future. — Le Chœur se confie en l’armée nouvelle qui réparera la défaite ; il lui répond avec l’accent du Destin : — « Celle-là même qui est restée dans l’Hellade, ne reviendra plus. » — Le voilà maintenant, prophète comme Samuel : le sépulcre donne, comme le trépied, sur les exhalaisons de l’Esprit divin.

« Infatué par un vain espoir, Xerxès a laissé là une armée choisie. Ele est restée dans les plaines que baignent l’Asopos, doux breuvage de la Béotie. C’est là aussi que les Perses subiront le suprême désastre, prix de leur insolence et de leurs pensées impies. Car, en envahissant l’Hellade, ils n’ont pas craint de renverser les statues des dieux et de mettre le feu à leurs temples. Les autels ont été brisés et les sanctuaires arrachés de leurs bases. Ces crimes ont été payés, mais l’expiation réclame encore. Des flots de sang s’épaissiront sous la lance dorienne, dans les champs de Platée ; les monceaux de cadavres, jusqu’à la troisième génération, parleront, muets, aux yeux des hommes. Ils leur diront qu’étant mortels, il ne faut pas trop entier son esprit. Quand l’insolence s’épanouit, elle fait germer l’épi de la ruine,