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LES MYTHES DE PROMÉTHÉE.

ciel les prières et les vœux des hommes. Les dieux en descendent à sa voix bruyante, ils s’asseoient sur des bancs d’herbe, autour du bûcher sacré, et prennent part au sacrifice dont il est à la fois la matière et l’âme. L’homme qui l’a tiré du tison, il le sacre prêtre ; le Soma qui l’a enivré, il en fait un dieu adoré comme lui. Agni est « la tête du ciel et l’ombilic de la terre » ; il s’élance d’un jet vers le firmament pour y rallumer les étoiles qui, sans lui, s’éteindraient comme des lampes vides. — « Maître des mondes, il les parcourt comme le pasteur visite ses troupeaux. » Indra pâlit devant sa splendeur, le soleil s’absorbe et fond dans sa flamme. « Ô Agni, » — s’écrie un hymne védique — « tous les dieux sont à toi, en toi et par toi ! »

Mais ce dieu immensément agrandi sait se réduire à la mesure de l’homme qui l’a engendré ; l’incendie divin ne méprise point l’étincelle d’où il est sorti. Hors du sacrifice, rentré à la chaumière où il a pris l’être, Agni se remet paisiblement à luire dans le foyer pastoral. Il réchauffe et il éclaire la famille, il cuit son pain et ses mets, content des touffes d’herbes sèches dont on rassasie sa faim diminuée. Il est le Génie tutélaire de la maison qui l’abrite, son ami et son commensal. En remplissant ses étables de béliers et de vaches laitières, en comblant ses greniers de froment et d’orge, il la purifie