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LES MYTHES DE PROMÉTHÉE.

mès lui présenta dans sa fleur. L’homme primitif embrassa dans Pandore la civilisation qui venait vers lui, ornée et brillante, pour corrompre sa rude innocence. Comme Adam mordit à la pomme d’Ève, Épiméthée s’éprit de la beauté de Pandore. Elle lui apportait pour dot un grand vase ferme que Zeus lui avait remis. Le mystère attire la femme : ouvrir les clôtures, écarter les voiles, briser et divulguer les secrets, c’est l’instinct natif de son âme, l’irrésistible titillation de ses doigts. Pandore souleva le couvercle du vase, et tous les Maux que les dieux y avaient enfermés, misères et maladies, guerres et crimes, violences et soucis, s’en échappèrent sur la terre. — « Seule, l’Espérance resta dans le vase, arrêtée sur les bords, et elle ne s’envola point ; car Pandore avait refermé le couvercle par l’ordre de Zeus qui amasse les nuées. » — Belle et touchante légende ! Le Dieu est dur et inexorable ; il a pitié pourtant des créatures qu’il vient de vouer au malheur. Au fond de leur âme assombrie, il laisse l’Espérance, captive divine qui la colore d’une teinte d’arc-en-ciel. L’homme sait combien elle est fallacieuse, mais il se laisse toujours prendre à ses doux mensonges. Trompé par elle, il lui demande de mentir encore, de lui chanter d’une voix de berceuse, les promesses qu’elle ne tiendra pas. Isaïe, le grand prophète d’Israël, exprime avec une tristesse amère la même